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01/06/2010

(UK) Doctor Who, series 5, episode 9 : Cold Blood (2)

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Il était dit que mon stock de kleenex descendrait considérablement la semaine téléphagique dernière. Cette deuxième partie de la confrontation des humains avec les Silurians, plus dynamique que la première, se sera déroulée de façon agréable, presque ronronnante jusqu'aux dernières minutes, où tout s'est emballé et où, encore une fois, la chute finale rehausse l'ensemble et vous donne envie de tout revoir afin d'apprécier pleinement cette dernière aventure pour un des personnages auquel le téléspectateur s'était, mine de rien, attaché. Il règne sur cette saison un parfum d'imprévisibilité : la marque du changement de scénariste est à chaque épisode plus visible, invitant le téléspectateur à oublier ses habitudes passées lorsqu'il visionne la série.

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Les premiers contacts avec les Silurians, qui ne se déroulent pas derrière une arme ou un bistouri, confirment le parallèle instinctif que l'on avait fait entre les Homo Reptilia et les êtres humains. Surtout, les scénaristes optent pour une reproduction de la dichotomie traditionnelle, que l'on retrouve souvent appliquée aux humains : chaque représentant des Silurians incarne un stéréotype, bien prédéfini, et très familier. Il y a la militaire va-t-en guerre facilement aveuglée par ses émotions, le scientifique instinctivement pacifique et ouvert d'esprit et le vieux sage en membre avisé de l'assemblée dirigeante. Le téléspectateur, comme les personnages, se situent donc en terrain connu ; l'originalité du sujet va venir de la thématique sous-tendant cette première rencontre "officielle" : un hypothétique partage de la Terre, entre les deux races qui en sont originaires.

La première partie de l'épisode se révèle agréablement rythmée, riche en réparties, en courses-poursuites et en retournements de situations aux derniers moments. Les sauvetages in extremis se multiplient, avec une maîtrise éprouvée, si bien qu'il est aisé pour le téléspectateur de se détacher également de ces enjeux très pragmatiques et, sans réellement s'inquiéter pour quiconque, de surtout savourer tout cela comme un divertissement aventureux. Une façon efficace d'endormir notre vigilance qui sera ensuite prise au dépourvu.

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Car le drame n'est jamais loin, peu importe que l'apparente légèreté de l'atmosphère nous le fasse un temps oublier. A la surface, le trio gardant Alaya va malheureusement échouer dans la tâche que le Docteur leur avait confié : la garder vivante pour un futur échange. Or, comme la Silurian l'avait elle-même prédit avec une assurance déstabilisante, l'un d'eux la tuera. Se laissant emporter par ses émotions et son inquiétude pour son fils et son mari, c'est la nature la plus primaire de la mère qui ressort, allant jusqu'à la torturer mortellement avec un tazer. Nous suivons ici une certaine continuité : la femme avait déjà voulu s'armer dans le premier épisode. On devine qu'elle réagit comme elle croit devoir le faire, submergée par ses émotions. Ce sont ses plus bas instincts qui ressortent ; cette part sombre de la nature humaine qui n'a rien à envier à Alaya.

Malheureusement, ce drame va précipiter les évènements, initiant un engrenage fatal. Alaya était la soeur de la dirigeante militaire qui conduit les Silurians. Sa mort entérine une vendetta dont les similitudes avec les propres réactions humaines sont criantes. Toute la faiblesse de l'humanité, comme de la civilisation Silurian, se trouve ainsi résumée dans ces échanges stériles de rejet réciproque de responsabilité, menant à une escalade des tensions des plus dangereuses. L'épisode traite les deux races de façon assez équitable ; la douleur de la militaire, lorsqu'elle se retrouve face au cadavre de sa soeur, "l'humanise" bien plus que tous les parallèles antérieurs. Cependant, cette victime va non seulement entraîner une réaction en chaîne fatale, elle enterre également avec elle tout espoir de paix immédiate entre les deux peuples.

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Car humains et Silurians ont bel et bien frôlé la possibiilté d'une coexistence pacifique. Le Docteur le souligne avec une excitation mal contenue : nous ne sommes pas sur un point fixe de l'Histoire. Le devenir des deux races n'est pas scellé ; aucune prédestination, ce sont eux qui créent leur propre futur. Les pourparlers mettent cependant surtout en exergue les difficultés actuelles à pouvoir faire admettre un partage des ressources (au-delà même de la planète). Les humains sont-ils prêts, suffisamment avancés dans leurs idées, mais aussi dans leur technologie, pour prendre en charge, à leur côté, les hommes-reptiles ? Le téléspectateur en doute, comme les deux jeunes femmes intronisées "ambassadrices humaines" par le Docteur.

La tragédie du sort d'Alaya referme tout espoir de ce côté-là. Mais le Docteur intervient, promettant que, dans 1000 ans, la Terre sera prête à accueillir leur retour. Il faudra habituer tout un chacun à cette idée ; une légende, un mythe, qui permettrait de couvrir les Silurians lorsqu'ils adresseront leurs revendications aux êtres humains. La voix du narrateur, en début et fin d'épisode, nous confirme ce déroulement ; cependant, même si ce procédé de narration est assez souvent utilise dans la série, j'ai trouvé personnellement que c'était un effet de style dispensable au vu de l'histoire. Il essaye d'accentuer la portée historique de l'évènement, comme si le scénariste craignait que le peu de résultat concret la fasse manquer au téléspectateur, mais il permet aussi de donner un avertissement initial au téléspectateur, avertissement qui ne sera compris qu'à la toute fin de l'épisode.

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En effet, au-delà de la fin prématurée des négociations Humains-Silurians, la mort d'Alaya -cette part de faiblesse de l'humanité qu'elle aura soulignée- aura des conséquences bien plus concrètes et dramatiques que le téléspectateur insouciant aurait pu le croire dans un premier temps, en dépit de quelques plans de caméra, trop insistants sur le mariage à venir et le futur promis à Amy et Rory, pour ne pas éveiller quelques soupçons. Nous sommes à un point "pivôt" de la ligne du temps, les rouages du futur bougent autour d'eux. Rien n'est fixé dans cette aventure. Pas même la vision du couple se baladant et leur faisant de grands signes de l'autre côté de la colline, des années après ces évènements.

La soeur d'Alaya, mourante, aura le temps d'intercepter nos amis avant qu'ils ne pénètrent dans le Tardis. Ils ont notamment été ralentis par cette faille spatio-temporelle qui semble les poursuivre et apparaît à côté du vaisseau. C'est la loyauté de ses compagnons envers le Docteur qui entrera une fois de plus en action, poussant Rory à plonger pour le protéger du tir qui lui est destiné. Cela nous rappele brutalement combien les voyages au côté du Time Lord peuvent être dangereux, même dans les moments qui nous apparaîtraient plus anecdotiques, même quand l'adrénaline change tout cela en une forme de jeu... jusqu'à ce type de drame.

Comme un mauvais remake de l'aventure précédente, Amy voit Rory mourir sous ses yeux. Le parallèle entre les deux épisodes est d'autant plus cruel que le premier drame avait fait réaliser à Amy l'importance de son fiancé ; et que, cette fois, à la différence des manipulations de rêves, nous sommes bien dans la réalité.

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La douleur est double. Celle, personnelle, du téléspectateur qui, en quelques épisodes, avait trouvé bien difficile de ne pas s'attacher à ce personnage sympathique, spontané et rationnel, qui s'était instinctivement intégré à la dynamique à bord du Tardis. Celle, déchirante, d'Amy, qui a encore plus de force en raison de l'écho de l'épisode précédent. La scène est d'autant plus bouleversante qu'elle évoque implicitement le sacrifice fait par la jeune femme dans l'univers "rêvé". Lorsque la lumière de la faille spatio-temporelle touche le corps de Rory, il devient impératif de partir très vite, mais surtout de malheureusement l'abandonner sur place. Les quelques scènes qui suivent sont d'une intensité émotionnelle rare, portée par de très solides performances d'acteur, Karen Gillan prouvant qu'elle peut jouer dans le registre de l'émotionnel avec beaucoup de conviction.

A l'image des soldats du LIe siècle, dont le souvenir-même de leur existence avait été effacé des mémoires de leurs camarades, un sort semblable attend Rory happé par cette lumière blanche. Seulement, si Amy avait conservé la mémoire dans le futur, car ceux qui avaient disparu n'appartenait pas à sa ligne de temps, ici, elle prend la place des soldats, qui oubliaient sans s'en rendre compte leurs collègues. Les moments où le Docteur tente de sauver le souvenir de Rory dans la mémoire d'Amy sont d'une force dramatique poignante ; et ce d'autant qu'il n'y réussira malheureusement pas.

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Plus que le choc de la mort de Rory, le plus cruel reste encore l'éradication de son existence, du souvenir de qui il a été, de ce qu'il a pu apporter à son entourage, à ceux qu'il aimait. Ce n'est pas un décès traditionnel, qui laisserait une absence béante et un deuil difficile à gérer, mais parfaitement compréhensible. Non, cette mort de Rory est plus insidieuse, plus dévastatrice pour le téléspectateur, mais aussi pour le Docteur, car nous voilà propulsé en observateur extérieur, dernier témoin silencieux de qui fut ce personnage.

Se détachant du schéma narratif classique jusqu'à présent suivi, le scénariste bouleverse toutes les conventions du genre, coupant immédiatement tout devoir de mémoire et hommage possible. Non, Amy n'aura pas de période de deuil, rien pour lui permettre de conserver les sentiments, les moments uniques qu'elle a pu partager avec Rory (sauf peut-être l'alliance laissée dans le Tardis ?). Re-écrire sa vie sans la présence d'un être qui fut à ses côtés depuis son enfance, la priver des seuls moments de joie qu'elle avait pu connaître au cours de la décennie qui s'achève, quelle sentence pourrait être plus cruelle pour la jeune femme ? Elle est d'autant plus douloureuse pour le Docteur et le téléspectateur qu'elle n'en sait rien. Rory rejoint les si nombreux regrets qui peuplent la mémoire du Time Lord, un poids supplémentaire, mais aussi le seul endroit dans l'univers où son souvenir demeure vivant.

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Si la récurrente présence de la faille avait, en dépit du passage mouvementé au LIe siècle, toujours paru un peu abstraite, l'épisode se charge d'assurer une prise de conscience brutale au téléspectateur. Elle est toujours là, poursuivant une action qui apparaît presque inéluctable, laissant jusqu'au Docteur impuissant face à sa cruelle action d'éradication. Au-delà de la mise en exergue de son danger, nous est proposée une nouvelle avancée mythologique.

Ce que je trouve intéressant, c'est que la finalité de la saison, ce mystère de la faille, ne se contente pas d'être exploité avec le recours à de simples indices : la faille joue un rôle actif dans le déroulement des aventures, influant directement sur les personnages. A mesure que le mystère s'épaissit, le téléspectateur prend pleinement conscience que le toutélié de cette saison est bien plus fusionnel, s'accentuant au fil des épisodes, que lors des saisons passées. On y sent la marque de la nouvelle équipe et j'avoue que ce traitement scénaristique, plus "feuilletonesque", me plaît bien et m'intrigue de plus en plus.

Reste que, chez le Docteur, la frustration de l'ignorance suscite une curiosité jamais démentie qui, une fois de plus, va rentrer en action. Beaucoup trop de monde paraisse savoir ce qu'il se passe, sans que le Docteur le sache. Comment cela est-il possible ? Pourquoi un Time Lord comme lui n'aurait pas accès à ce secret ? Le Docteur glissera une main dans la faille spatio-temporelle -protégé par un seul mouchoir?-, dans le but de rechercher ce qui est en son centre, ce qu'elle cache. Quelle est la cause de cet anéantissement progressif de l'univers, de cette "explosion", comme la qualifie le Docteur ? Ce qu'il en retire n'est pas fait pour calmer ses inquiétudes : le débris qu'il extrait encore fumant délivre une information troublante et effrayante qu'il garde pour lui : un bout de son Tardis.

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Bilan : Après une première partie, plus d'exposition, qu'il avait été difficile de cerner indépendamment, Cold Blood nous propose un bel épisode de Doctor Who. Il offre de la belle science-fiction métaphorique à souhait avec les parallèles qu'il établit entre les humains et les Silurians. Il confère aussi une certaine dualité à tous les personnages qui continuent d'être explorés. Et il se conclue sur une fin déchirante qui entérine aussi le changement de style narratif que la série a connu cette saison. Tuer un personnage principal. En cours de saison. C'est plus qu'au cours des 4 saisons précédentes. Cela déstabilise les habitudes du téléspectateur et confirme le caractère central de la faille spatio-temporelle : nous ne sommes pas dans un schéma où les scénaristes distillent des indices en prévision du final, elle agit déjà dans le quotidien de nos héros, de la plus cruelle des manières. Le sort de Rory faisant en plus écho à l'aventure précédente, il faut saluer la construction d'ensemble de la saison, menée de façon plus feuilletonesque, mais avec beaucoup de rigueur. Au sortir de Cold Blood, on ne peut que être impatients de découvrir les enchaînements à venir.


NOTE : 9/10


La bande-annonce du prochain épisode (Bill Nighy! Van Gogh!) :

23/05/2010

(UK) Doctor Who, series 5, episode 8 : The Hungry Earth (1)


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Il s'agit de la première partie d'une nouvelle aventure s'étalant sur deux épisodes. De façon plus marquée que dans le précédent double épisode, The Hungry Earth s'apparente à une vaste introduction, révélant progressivement les enjeux du jour, mais dont la portée réelle dépendra clairement de la réussite de la seconde partie. Se terminant sur un cliffhanger prévisible mais efficace, c'est peut-être plus le trailer de l'épisode suivant qui laisse le téléspectateur frustré et impatient. Pour ce qui est de The Hungry Earth, c'est aussi l'occasion de renouer avec des créatures de la mythologie de l'ancienne série de Doctor Who, que nous n'avions pas recroisées depuis 2005, les Silurians (Homo Reptilia), qui furent introduit pour la première fois dans cet univers en 1970.

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L'épisode s'ouvre sur un de ces inattendus dont le Docteur a le secret, les atterrissages non maîtrisés du Tardis dans des lieux ou des époques imprévus, alors qu'une plage ensoleillée et reposant était promise à nos héros. Ainsi, alors qu'ils devaient débarquer en plein carnaval de Rio de Janeiro, nos amis en sont pour leurs frais en se découvrant arrivés au fin fond de la campagne britannique, dans le cimetière d'un petit bourg perdu, en 2020. Le temps de s'auto-saluer avec leurs "futurs soi" en plein pèlerinage sur la colline opposée - petite anecdote futuriste d'une chose que j'imagine totalement Amy et Rory pouvoir faire dans quelques années - , et les voilà rapidement projetés dans une aventure aux accents de choc des civilisations, où l'étiquette "d'envahisseurs" est impossible à apposer, à la différence de tant de confrontations avec d'autres créatures non humaines.

C'est que, dans ce bout de campagne perdu, se trouve également une installation minière. Les responsables, des chercheurs, ont entrepris de creuser le plus profond possible, ayant découvert un minerais datant de plusieurs millions d'années. Or, s'il y a bien une règle primaire de survie que Doctor Who nous a enseignée au cours de ces dernières saisons, c'est que cette obsession très humaine, que Jules Verne traduisait déjà en mots il y a plus d'un siècle, est dangereuse. Le monde sous-terrain regorge généralement de secrets oubliés qu'il est plus prudent de laisser dormir en paix. Malheureusement, dans l'épisode du jour, il est trop tard pour sauvegarder cette tranquilité. Un trou de plusieurs dizaines de kilomètres de profondeur a déjà été percé ; et, la veille, la machine qui continue de creuser a réveillé quelque chose.

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Or, ce quelque chose, quel qu'il soit, a pour le moment un effet direct sur le sol de cette bourgade. Il ne s'agit pas seulement des cadavres des personnes enterrées dans le cimetière qui disparaissent mystérieusement, mais, surtout, d'étranges trous qui sont apparus autour de l'installation minière. L'homme responsable de la surveillance de nuit a disparu. Lorsque le Docteur et Amy pénètrent sur les lieux, la situation a déjà échappé à tout contrôle. Plutôt habilement, l'épisode maintient dans un premier temps le mystère, en n'identifiant pas immédiatement les adversaires du jour. Au contraire, il commence par donner comme vie à la Terre : un phénomène se produit, aspirant les gens sous la surface comme si un sol a priori inoffensif se changeait en sables mouvants vivants.

Une nouvelle fois, le Docteur et Amy vont se retrouver séparés par les évènements ; et Amy va partager le sort des victimes, disparaissant sous terre. Si le téléspectateur ne se fait pas excessivement de souci pour le sort de la jeune femme, j'ai été surprise par l'intensité et la force de cette scène où le Docteur finit par lâcher la main d'Amy qui est "avalée" sous ses yeux. Il se dégage de cette échange une émotion assez poignante qui m'a profondément touchée. Cela sonnait très juste, sans sur-jouer dans le dramatique.

Cette nouvelle séparation forcée entre Amy et le Docteur, au cours d'une aventure, ne désquilibre cependant pas notre équipe, en raison de la présence de Rory, qui continue de s'intégrer naturellement dans la dynamique globale. C'est sur lui qu'échoue donc le rôle de servir d'appoint au Docteur ; une mission dont il s'acquitte avec brio, confirmant également le fait qu'il forme un duo très sympathique à suivre associé au Docteur. C'est d'ailleurs une des forces de ce casting que de pouvoir actuellement aussi bien fonctionner en trio qu'en duo, chacun des trois protagonistes se révélant très complémentaire avec les deux autres.

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D'autant qu'en l'espèce, il n'y a pas de temps à perdre. Le sauvetage d'Amy viendra en son temps, tout d'abord il s'agit d'assurer l'accueil des créatures réveillées sous la Terre et qui s'apprêtent à surgir à la surface. Accompagné d'une poignée d'humains, c'est au Docteur de sauver la situation, en commençant par apprécier quels sont les enjeux. L'épisode bascule durant quelques scènes dans la "fiction de monstres" classique, en témoigne cette course-poursuite entre les tombes du cimetière. Une ambiance introductive des plus suggestives pour permettre ensuite la première rencontre directe avec un ennemi désormais identifié par le Docteur : il s'agit des Silurians. Ces derniers, qui appartiennent à la mythologie whonesque, sont des humanoïdes reptiliens, une autre branche de l'évolution. Ils sont donc eux-aussi des terriens. Ce qui permet quelques remarques décalées du Docteur, pointant qu'il ne s'agit pas d'une invasion, et que techniquement, les Silurians ne sont pas des extraterrestres.

Avec l'aide de Rory, le Time Lord réussit à capturer une des Silurians, confirmant que nous sommes dans un processus de prises d'otages réciproques et que, pour le moment, aucune victime n'est (encore) à déplorer dans les différents camps. La confrontation avec Alaya, la Silurian, est à la hauteur des attentes que cette progressive introduction avait pu susciter. Le personnage se révèle hostile, campant sur ses positions ; et le Docteur alterne entre enthousiasme de croiser à nouveau cette race et menaces claires, jouant plus que jamais sur la dualité de la personnalité d'Eleven.

De cet échange, il ressort surtout une menace de guerre, entre Silurians et êtres humains, tous deux proclamant leurs droits légitimes sur "leur" Terre. L'objectif du Docteur va donc être d'éviter cette escalade. Pour atténeur les tensions, il devient nécessaire de prendre contact directement avec les Silurians. Mais le Time Lord sous-estime considérablement la gravité de la situation... Car c'est une entière civilisation d'homo reptilia qui a perduré dans les sous-sols de ce petit bout perdu de la Grande-Bretagne, et qui a été dérangée.

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Si l'épisode est un peu lent à démarrer et ne se dégage jamais de l'impression qu'il fait simplement office de vaste introduction avant que les choses sérieuses ne commencent réellement dans la seconde partie, il introduit cependant plusieurs thématiques qui seront sans doute un peu plus développées ensuite.

Ce sont peut-être les parallèles évidents entre les humains et les Silurians qui sont les plus marquants, car il ne s'agit pas des bons côtés de chacune des deux races. Ils partagent en effet les mêmes réflexes de survie meurtriers. Ainsi, la mère humaine rassemble-t-elle des armes, prête à se battre, en suivant le même instinct "guerrier/territorial" que les Silurians eux-mêmes une fois qu'ils ont été agressés. De façon encore plus éclatante, l'épisode pointe les similitudes dans leur attitude vis-à-vis des prisonniers. La première suggestion faite par le responsable minier n'est-elle pas de disséquer la Silurian, afin d'identifier ses faiblesses et ainsi mieux connaître cette race ennemie ? Evidemment, le Docteur se charge de balayer cette idée, mais ce n'est pas un hasard si nous découvrons ensuite à la fin de l'épisode que les Silurians ont, de leur côté, fait la même chose à leurs otages.

On retrouve de part et d'autre des sentiments similaires : la défiance, la peur, de cette autre race ; une revendication territoriale de la planète, où l'autre n'est pas sensé avoir une place, assimilé à un envahisseur qu'il n'est pas ; et puis, cet instinct guerrier qui refait surface... Le discours du Docteur qui choisit de bien mettre les choses au point avant de ne partir en quête des Silurians est particulièrement révélateur. Il confie l'otage Silurian aux trois humains restants, mais est conscient qu'il ne peut pleinement faire confiance à leur nature primaire. Les humains sont bien plus proches des Silurians qu'aucune des deux races ne souhaiteraient le reconnaître ; préserver la paix est l'objectif d'un Time Lord, pas forcément d'êtres humains qui réagissent à une attaque. Heureusement, Rory reste également sur place. Cependant, les affirmations narquoises d'Alaya suffisent à bien pointer le risque de dérapage existant. L'otage doit rester vivante, mais ça n'ira pas forcément de soi. D'autant que cette dernière rêverait de se transformer en martyre pour déclencher des représailles sanglantes.

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Outre ce parallèle qui brouille le lisibilité des deux camps en présence, l'épisode offre une nouvelle fois au Docteur la possibilité de mettre en lumière toute l'ambivalence de son personnage. Je me repète, mais je suis chaque semaine fasciné par les contrastes d'attitudes et d'émotions qu'Eleven peut exprimer au cours d'une seule scène. The Hungry Planet propose encore plusieurs exemples soulignant cette ambiguïté. C'est ainsi le cas lors de sa discussion avec la Silurian, où il débute porté par l'excitation de cette nouvelle rencontre avec cette espèce, témoignant d'un enthousiasme sincère pour leur technologie, avant que les réponses d'Alaya à ses questions ne l'assombrissent. C'est en particulier le mensonge selon lequel elle serait la dernière de son espèce, d'autant plus cruel quand il est adressé au dernier des Time Lords, qui l'amène à se montrer plus menaçant. Matt Smith module à merveille son visage et le ton de sa voix suivant les circonstances. Une performance de haut vol.

Dans cette même lignée, je retiendrais également la scène où la mère rassemble des armes "pour se défendre", prouvant bien que la menace de rupture de la paix peut provenir des deux espèces. Le Docteur lui indique qu'il agit sans avoir recours à de tels procédés, l'invitant à oublier cette alternative sur un très ambigu "I'm asking nicely", où perce derrière un sourire poli, un ordre ne souffrant d'aucune discussion où l'on descellerait presque une menace tout juste voilée.

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Bilan : The Hungry Planet apparaît donc avant tout comme une introduction pour la seconde partie de l'aventure, qui promet beaucoup. Après un départ très calme, l'épisode accélère progressivement, construisant peu à peu une tension qui culmine avec l'arrivée à la surface des Silurians. La ré-introduction de cette créature rattachée à la mythologie globale de l'univers whonesque se révèle des plus efficaces. Au final, ces quarante minutes esquissent différentes thématiques, comme le parallèle dressé entre ces homo reptilia et les êtres humains peuplant la surface de la Terre. Et si le cliffhanger se termine de façon prévisible, mais le trailer achève d'aiguiser l'intérêt du téléspectateur pour une suite qui promet beaucoup !

Pour formuler un jugement sur l'aventure elle-même, il faudra par contre attendre la seconde partie, les deux étant trop dépendantes.


NOTE : Non noté, étant donné que cet épisode est surtout une introduction pour le suivant, une note globale sera attribuée à la fin de ce double épisode.


La bande-annonce du prochain épisode, la seconde partie de l'aventure, Cold Blood :

17/05/2010

(UK) Doctor Who, series 5, episode 7 : Amy's Choice

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Amy's Choice est un épisode atypique, qui sort du schéma narratif habituel. Derrière ses premiers abords quasi-anecdotiques, ronronnant sans véritablement trouver son rythme de croisière, il bénéficie d'une chute finale qui éclaire sous un jour entièrement différent les évènements que l'on vient de vivre et change notre perspective, et presque notre jugement, sur ces 40 minutes. Son apport introspectif se révèle donc plus ambitieux que ce qui nous est présenté tout au long de l'épisode. En posant les enjeux à la toute fin, il serait presque opportun pour le téléspectateur de s'offrir un revisionnage dans la foulée.

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Amy's Choice s'ouvre sur un changement de cadre original, signe d'une aventure déjà commencée, déstabilisant à dessein les repères du téléspectateur. En effet, le Docteur débarque à bord de son Tardis dans la campagne anglaise. Cinq ans ont passé depuis qu'il a ramené Amy et Rory sur Terre. Ces deux derniers sont toujours ensemble. Seul signe du temps écoulé, Rory s'est "négligemment" laissé pousser les cheveux de façon à pouvoir les attacher ; un fashion attentat dont le téléspectateur met un instant à se remettre. Il faut dire que la deuxième information à digérer est plus énorme encore : Amy "have swallowed a planet", ou plutôt, est enceinte ! La visite du Docteur est imprévue, il s'est en réalité embrouillé dans les commandes du Tardis. Les retrouvailles passent par une promenade aux alentours. Tout paraît si calme dans ce village. Irréellement détaché de la civilisation. Les quelques remarques sur le sujet du Docteur sont d'ailleurs salvatrices : elles prêtent à sourire et leur piquant confère un peu de relief à la platitude caricaturale que ce cadre recrée.

Mais il ne s'agit que d'une réalité possible. Car nos trois héros s'endorment soudain sur le banc pour se réveiller... à bord d'un Tardis à la dérive. Dans leur "présent" apparent. Glacés. Ils dérivent et sont attirés par l'énergie d'une "étoile froide". Si imaginer Amy accepter de faire sa vie loin de tout dans un endroit aussi reculé de cette campagne anglaise, en y menant une vie aussi peu animée, semble peu coller au personnage ; l'hypothèse de l'étoile froide défie encore plus effrontément les lois de la science. C'est là que se révèle un nouveau protagoniste. Moqueur, perspicace, arrogant, faussement joueur, il se présente sous la qualité de "Dream Lord", en écho au "Time Lord" qu'est le Docteur. Il se pose en maître d'un jeu létal dans lequel il a entraîné nos trois héros. Il les met en effet au défi de choisir entre ces deux mondes où le sommeil les guide. Un est la réalité, l'autre un rêve. Les règles sont simples. S'ils meurent dans le rêve, ils seront libérés et réintègreront la réalité. En revanche, s'ils sont tués dans le monde réel, la mort sera définitive.

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Se réappropriant des schémas narratifs classiques de jeux entre plusieurs réalités/univers, l'épisode va au final assez peu développer ce matériau, préférant se concentrer sur ses personnages. Les deux mini-aventures mises en place, comportant chacune leurs dangers, reprennent des thématiques traditionnelles de la série, qu'il s'agisse d'une rencontre imprévue du Tardis avec un astre dangereux, ou des aliens réfugiés sur Terre, ayant infiltré le club du 3e Âge du coin. Il n'y a pas la moindre originalité proposée dans leurs développements, celle sur Terre offrant juste un peu plus d'animation. C'est sans doute à ce niveau-là que se situe la faiblesse principale de l'épisode. Le téléspectateur est bien conscient que l'enjeu est ailleurs, ces micro-intrigues peinent à trouver une réelle dimension. Elles demeurent cantonnées dans du cliché anecdotique, dans lequel il est difficile de s'investir. Heureusement, les dialogues - et plus particulièrement, les tirades du Docteur -, piques au second degré savoureux ou analyses détachées de la situation empreinte d'un sarcasme détaché, permettent par intermittence de rompre cette léthargie. Mais l'épisode ne trouve jamais vraiment l'équilibre entre ces histoires-prétextes et le réel enjeu poursuivi par le scénariste ; ce qui a une incidence sur son homogénéité, le cocktail peinant à prendre.

L'attention du scénariste est ailleurs, et ça se ressent donc. Car Amy's Choice est en fait un épisode destiné à prendre le temps de s'intéresser à la psychologie de chacun de ses personnages. Nous sommes (déjà!) à mi-saison ; nous commençons à les connaître, mais voici un épisode entier où les intrigues et autre fil rouge sont mis entre parenthèses pour explorer de plus près les motivations de chacun. Cette introspection est une initiative somme toute louable, permettant d'entériner la nature des différentes relations unissant les personnages, en commençant par définitivement refermer la parenthèse ouverte par le final du cinquième épisode, lorsque s'était posé un dilemne jusqu'alors sous-jacent : la position d'Amy par rapport à ses "deux docteurs", l'un qui a passé sa vie à essayer de ressembler à cet ami imaginaire idéal des rêves d'une petite fille, et l'autre qui est revenu après tant d'années pour enfin remplir sa promesse passée.

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Le titre de l'épisode, Amy's Choice, fait donc référence, tant à la décision d'Amy de sacrifier sa vie sur cette Terre futuriste où elle est enceinte, suite à la mort de Rory, qu'à sa réalisation finale que l'homme de sa vie n'est pas le héros avec lequel elle s'est enfuie la veille de son mariage, mais bien son fiancé. Être partie à bord du Tardis était sa dernière tentative pour ne pas grandir ; le parallèle avec les univers féériques, la mythologie de Peter Pan notamment, n'est pas une constante de ce début de saison pour rien. Le mariage symbolise l'entrée dans l'âge adulte, entrée à laquelle Amy n'était pas encore prête, en dépit de ses fiançailles. Elle n'avait pas fait le deuil de son enfance ; il existait encore en elle cette part de petite fille rêvant d'explorer des horizons lointains avec son ami imaginaire.

Les retrouvailles avec le Docteur avaient fragilisé sa relation avec Rory en apparence ; mais elles étaient finalement nécessaires pour définitivement tourner cette page ouverte durant son enfance, idéalisée depuis au-delà du raisonnable. Amy a fait la paix avec ses démons du passé et ses rêves non réalisés. Désormais, alors même qu'elle vit ce conte de fées de science-fiction, elle a enfin grandi. Au gré des quelques aventures qu'elle vient de vivre, elle s'est posée des questions sur sa vie ; elle a été amené à réfléchir sur ses priorités, confrontée à des dangers contre lesquels elle a manqué de tout perdre. Au final, c'est un personnage qui, en quelques épisodes, a gagné, non en confiance en elle ou en assurance, mais en maturité. Ajoutons à cela l'opportunité que lui a offerte le Docteur de voyager avec Rory afin de pouvoir partager l'intensité et l'euphorie qui accompagnent les voyages à bord du Tardis ; et, logiquement, les choix d'Amy au cours de cet épisode tombent sous le sens et nous découvrons à travers eux la vraie Amy, qui a réussi à se comprendre et savoir ce qu'elle recherche.

Avec Amy's Choice, elle cesse de chasser un rêve inaccessible pour enfin commencer vraiment à vivre et à grandir.

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Mais, et de façon peut-être plus marquante pour une téléspectatrice telle que moi qui est quand même assez encline à suivre en priorité le personnage du Docteur, l'épisode offre également de nouveaux éléments dévoilant un peu plus la complexe personnalité de ce dernier, toujours magistralement interprété par Matt Smith. L'acteur aura vraiment réussi à s'imposer avec une aisance et une présence à l'écran à saluer : je pourrais consacrer un entier paragraphe, dans chacune de mes reviews, à louer la richesse et l'ambivalence que son jeu apporte à Eleven, collant parfaitement à l'écriture des scénaristes. Amy's Choice est une étape importante dans cette caractérisation, car il met en lumière la facette la plus obscure du Docteur. Il le fait sans que le téléspectateur se doute, avant la chute finale, de la réelle nature du duel auquel il est en train d'assister entre le Time Lord et le Dream Lord. Il faut souligner que cette ignorance est à double tranchant : d'une part, cela renforce l'impact et le choc de la révélation finale, mais d'autre part, cela empêche de saisir immédiatement tous les enjeux d'un épisode dont l'importance se cache derrière cette apparence trompeusement trop banale.

Dans la chute finale, l'explication de ce double rêve hallucinatoire cède à une certaine facilité scénariste, mais est en revanche particulièrement bien trouvée l'idée selon laquelle le Dream Lord n'était en réalité qu'une émanation du Docteur lui-même, de cette part sombre qui sommeille en lui mais qui s'est logiquement développée au cours des neuf siècles d'expérience qui sont derrière lui. Et le téléspectateur prend conscience, a posteriori, que c'est un épisode qui mériterait d'être psychanalysé qui nous fut proposé. Toutes les "vérités", souvent blessantes, assénées par le Dream Lord sur la façon de vivre et d'opérer du Docteur, ses réflexions sur ses "amis" par exemple, prennent soudain une autre dimension. Tout comme cette affirmation, lâchée par un Docteur qui avait deviné plus tôt la nature de ce Dream Lord sans la partager avec Amy et Rory : "there's only one person in the universe who hates me as much as you do", avait-il dit... Cruelle et paradoxale réalisation. Est également très révélateur le silence et le brusque changement de sujet qui accueille la question d'Amy, en fin d'épisode, faisant écho aux préoccupations des téléspectateurs. La jeune femme est incapable de concilier les deux facettes du Docteur qu'elle a vue, l'enjouée et la cynique ; et, soudain, elle s'interroge : le Docteur tient-il pour vrais, consciemment ou dans une part de son subconscient, les jugements proférés par le Dream Lord ?

Le personnage d'Eleven continue de s'étoffer, devenant chaque épisode, plus intriguant, plus ambivalent, et toujours plus intéressant. Une caractérisation réussie !

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Amy's Choice s'avère donc être finalement un épisode paradoxal. Derrière une apparence de routine  assez anecdotique, peinant à se mettre en place, il propose une introspection profonde des personnages. La résolution finale change radicalement la perspective du téléspectateur, soudain presque tenté de se lancer dans un revisionnage immédiat pour bien appréhender la portée de l'épisode et ce qu'il signifie pour le Time Lord. Car même si l'évolution d'Amy est intéressante, cela reste un "à côté" par rapport à l'envergure du Docteur qui demeure l'aspect le plus accrocheur de la série. C'est un euphémisme que d'écrire que j'aime beaucoup l'exploitation de la part plus sombre du personnage qui est proposée avec Eleven. Le "Dream Lord" est un élément supplémentaire qui vient s'ajouter à la suite d'aperçus très tangibles du côté plus obscur du Docteur, que nous avons pu voir depuis le début de la saison. Son ambiguïté, très bien mise en valeur par Matt Smith, apporte une profondeur supplémentaire et surtout accentue la fascination qu'exerce le Time Lord.

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Bilan : Si le changement de perspective offert par la chute finale apporte à l'épisode une légitimité dans l'introspection qu'il a proposée, cela intervient peut-être un peu trop à retardement. L'aventure n'est pas déplaisante à suivre, mais elle se révèle trop bancale pour être pleinement satisfaisante. Cependant, la lumière nouvelle que jette la révélation finale sauve finalement l'épisode de la tentation de le classer comme une simple aventure anecdotique. Il offre un éclairage sur ses personnages et leurs rapports qui permet au téléspectateur de mieux les comprendre. Enfin, il confirme aussi la volonté d'exploiter cette saison une facette plus sombre du Docteur, ce qui nourrit l'ambivalence du personnage de la plus convaincante et intéressante des manières.


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce du prochain épisode :


09/05/2010

(UK) Doctor Who, series 5, episode 6 : The Vampires of Venice

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Après un double épisode pivôt dans la saison, Doctor Who nous propose une parenthèse un brin moins éprouvante, résolument plus légère, voire par moment franchement déjantée. Truffé d'excellentes répliques, pleines d'humour ou de second degré, l'enthousiasme du scénariste Toby Whitehouse se révèle communicatif, permettant au téléspectateur de savourer avec beaucoup de plaisir une histoire dynamique où les intéractions entre le Docteur, Amy et, surtout, Rory, sont caractérisées de façon assez jubilatoire. L'embarquement du fiancé valide d'ailleurs a posteriori l'étrange scène finale qui avait conclus le précédent épisode ; finalement, je pense pleinement adhérer à la façon dont Steven Moffat gère la volatilité des relations qu'il instaure entre ses personnages principaux. Une forme de vaudeville dans le bon sens du terme.

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Dès le pré-générique, le ton du jour est posé. Si les premières images de l'intrigue à Venise sont trop classiques pour vraiment happer l'attention du téléspectateur, en revanche, la scène se déroulant dans le présent, à la bachelor party de Rory, donne au téléspectateur un large sourire qui fait démarrer sous les meilleures auspices possibles l'épisode. Car si le moment où le Docteur surgit du gâteau d'où était sensée sortir une strip-teaseuse constituait déjà une entrée particulièrement savoureuse, prouvant une fois encore le goût prononcé pour le théâtralisme d'Eleven, la façon d'exposer le "problème" qui amène le Docteur achève de faire franchement éclater de rire le téléspectateur. Bénéficiant d'une écriture très inspirée, l'épisode recèle de tant de répliques absolument incontournables, au potentiel pour devenir cultes, qu'il serait trop difficile de les relever toutes. Cependant, au sommet des instants jubilatoires de ces 45 minutes, figure sans doute cette entrée en matière : "We need to talk about your fiancee. She tried to kiss me. Tell you what, though. You're a lucky man, she's a great kisser." (Long silence, tandis que tous les amis de Rory fixe le Docteur de façon fort peu amicale, avant d'enchaîner :) "Funny how you can say something in your head and it sounds fine...". Délicieux !

Doctor Who prend résolument des accents vaudevillesques qui sont loin d'être déplaisants, au cours de cet épisode. En dépit de cette présentation maladroite, il s'agit bien d'une tentative de sauvetage de relations opérée par le Docteur. En conséquence directe de la dernière scène de l'épisode précédent, qui faisait finalement office de transition, donnant le ton pour l'épisode à venir, Eleven prend donc l'initiative de réunir le couple officiel, avant que les aventures d'Amy ne rompent le lien qui les unissait. Se préoccupant sincèrement de leur futur, apparaissant comme un protecteur, le Docteur entreprend de les remettre sur la même longue d'ondes. Il choisit donc d'offrir à Rory l'opportunité d'un voyage à bord du Tardis, pour que les deux jeunes gens aient cette expérience aussi marquante qu'indescriptible en commun.

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Le cadeau du Docteur va être une lune de miel anticipée dans la ville symbolisant le romantisme, Venise au XVIe siècle. Une brève référence à un pari perdu avec Casanova nous confirme la tonalité beaucoup plus légère adoptée par l'épisode... Cependant, comme il n'est pas concevable qu'un voyage Whonesque se déroule dans le calme, l'escapade amoureuse se transforme rapidement en aventure mouvementée, révisant quelques classiques légendaires d'horreur. Après les loup-garous de la saison 2, les sorcières de la saison 3, l'épisode adopte un schéma similaire pour introduire dans l'univers de Doctor Who, une re-écriture du mythe des vampires. Les détails correspondent parfaitement, des crocs proéminents jusqu'à l'absence de reflet dans les miroirs.

S'il est très plaisant de voir l'excitation d'Eleven et d'Amy après cette première rencontre avec une figure centrale des légendes humaines de fantastique, la science-fiction reprend rapidement ses droits, afin de fournir une explication "rationnelle" (au sens whonesque du terme) à une telle présence à Venise. Car ces "vampires" sont en réalité des aliens, réfugiés après que leur monde ait été emporté par les craquelures qui continuent de bouleverser l'univers, transcendant les dimensions, les lieux et les époques. La signora Rosanna Calvierri se révèle être la dernière représentante de son espèce, une Sister of the Water en provenance de Saturnyne, ou plus sobrement une "fish from space". Malheureusement, seuls ses enfants mâles ont survécu au trajet vers la Terre, laissant la survie des "poissons de l'espace" en suspens, conditionnée à la transformation de femmes humaines en aliens, de façon à ce qu'elles deviennent compatibles.

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Faire d'humaines des extraterrestre est donc le processus actuellement en cours dans une Venise vivant en autarcie. Il ne s'agit cependant que de la première étape d'un plan plus vaste. Les "poissons de l'espace" ne sont pas destinés à vivre à l'air libre. Quelle meilleure destination pour eux qu'une ville aussi précairement installée sur l'eau que Venise ? L'objectif final est donc de s'approprier la ville, la noyant sous l'eau de façon à ce qu'elle devienne un lieu d'habitat possible pour l'espèce. Si c'est loin d'être la première fois que le Docteur est confronté à cette problématique où le sort d'une espèce d'aliens doit passer par le sacrifice d'êtres humains, l'épisode traite cela de façon plutôt bien inspirée.

Nous sommes ici très loin de la présentation manichéenne la Reine des Raknor par exemple. Les confrontations entre le Docteur et la Signora Calvierri sont bien écrites, d'une sobriété bienvenue, et basées sur une forme de respect réciproque qui pose des bases claires à une opposition à l'issue fatale. J'ai beaucoup apprécié ces échanges, servis, comme c'est le cas tout au long de l'épisode, par d'excellentes répliques, tel ce dialogue qui prend place lorsqu'ils s'accordent chacun le droit de poser une question à tour de rôle, se jaugeant mutuellement :
_ Where are you from ?
_ Gallifrey.
_ You should be in a museum. Or in a mausoleum.

La conclusion était dès le départ inévitable, apportant une touche plus dramatique qui vient contre-balancer la légèreté d'ensemble de l'épisode. Avec le suicide de l'alien, dévorée par ses propres enfants, c'est toute une lignée qui s'éteint, une race qui disparaît, prise entre l'effondrement en cours de l'univers et les interventions protectrices du Docteur, garant du passé de la race humaine et qui s'assure ainsi qu'aucun changement majeur ne s'opère dans l'Histoire. C'est aussi une petite piqûre de rappel des conséquences immenses que peuvent avoir les actions des Time Lords.

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La particularité de l'intrigue tient donc en partie au fait que nous ne sommes pas confrontés à une invasion au sens littérale du terme, mais plutôt une opération de survie, mettant en jeu des priorités contradictoires et devant faire des victimes collatérales. Mais le déclencheur de cette crise nous ramène au fil rouge de la saison, omni-présent en arrière-plan. Ce sont ces failles dans l'espace-temps qui sont responsables de ces bouleversements. Cependant, après le rôle majeur joué lors de l'épisode précédent, nous revenons à des références plus anecdotiques à ce phénomène. L'épisode ne permet aucune progression sur ce plan, ne nous fournissant aucune réponse, mais ne générant pas non plus de nouvelles questions. Les spéculations suscitées par l'épisode précédent suffiront sans peine à faire patienter le téléspectateur pour encore quelques semaines.

Il faut quand même retenir que le phénomène paraît prendre de l'ampleur, bouleversant de plus en plus profondément l'univers dans son ensemble, anéantissant les barrières entre les dimensions, entre les époques et les lieux : le néant grignote peu à peu la création.

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L'histoire se suit donc avec plaisir. Cependant, au-delà de l'atmosphère relativement déjantée qui y règne, j'en retiendrais surtout sa dimension humaine : les relations entre les personnages y sont très bien dépeintes et habilement écrites. Sur ce plan, la première bonne nouvelle de l'épisode est la confirmation de tout le bien que l'on pouvait penser de Rory après le premier épisode de la saison. Sa pleine introduction dans l'univers whonesque, en embarquant à son tour à bord du Tardis, se révèle à la hauteur des attentes du téléspectateur. Non seulement le personnage est plutôt sympathique et le téléspectateur s'y attache rapidement, mais les scénaristes réussissent aussi à trouver un juste équilibre pour caractériser ce triangle potentiellement glissant, entre Eleven, Amy et Rory.

La relation Amy/Rory est tout d'abord remise à l'honneur. D'une spontanéité et d'une versatilité toute vaudevillesque, les échanges volent et les sentiments se revivifient dans l'adrénaline des situations désespérées où le pire n'est évité que de justesse. Le tout surfe sur un dynamisme communicatif. Au final, la dédramatisation de la dernière scène de l'épisode précédent se fait de façon très naturelle, l'inscrivant dans une lignée de réactions psychologiques logiques.

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De plus, l'introduction de Rory dans l'équation s'avère d'autant plus bénéfique que les rapports entre le Docteur et Amy y gagnent également au cours de cette étape de transition. Le Time Lord et son assistante partagent instinctivement une complicité spontanée lorsque leur goût pour l'aventure se réveille et qu'ils se retrouvent confrontés à des situations sortant de l'ordinaire (leur première rencontre avec les vampires est particulièrement révélatrice). Mais, cela n'empêche pas Eleven de se montrer au besoin particulièrement distant et cassant avec elle s'il en ressent le besoin. Cela n'est pas la première fois depuis le début de la saison. Et même si, ici, il agit dans un but de protection de la jeune femme, suite aux remarques accusatoires de Rory, c'est une nouvelle fois l'occasion de mettre en exergue la nature de leurs rapports, mais aussi la personnalité d'Eleven.

Je vais sans doute me répéter, mais j'aime de plus en plus l'orientation que prend ce dernier. S'il peut réagir avec un enthousiasme enfantin (les vampires) comme le faisait Ten, il sait également se montrer froid et autoritaire quand il le souhaite (lorsqu'il ordonne à Amy de retourner au Tardis), voire faire preuve d'une assurance très suffisante, où sa nature de Time Lord se révèle pleinement (sa première confrontation avec l'alien). L'interprétation de Matt Smith enrichit également cette ambivalence, parvenant parfaitement à jouer sur les contrastes entre les différentes attitudes.

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Finalement, le billet de Rory pour voyager à bord du Tardis voit sa durée allonger par l'aventure vénitienne. C'est une bonne nouvelle je pense, car une des vraies bonnes surprises de The Vampires of Venice a été l'excellente dynamique s'instaurant entre le Docteur et Rory. Si leurs vifs échanges reflètent la tonalité volontairement décalée de l'épisode, quelques répliques sont absolument jubilatoires, prêtant à sourire, voire à vraiment éclater de rire devant le double-sens de certaines phrases. Au bout du compte, le téléspectateur se dit que la paire complice que reforment les deux fiancés à la fin de l'épisode peut offrir un contre-poids au Docteur, et apporter humainement et émotionnellement beaucoup au Time Lord.

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Bilan : The Vampires of Venice est un épisode de bonne facture, déjanté juste comme il faut et offrant un pendant à la tension des dernières semaines. Il propose une aventure dynamique, remplie de répliques piquantes à souhait, drôles et/ou décalées, qui communiquent cet enthousiasme général au téléspectateur. On lui pardonne volontiers la construction un peu brouillonne de l'intrigue principale, pour savourer cette délicieuse dynamique, divertissante à souhait, qui mêle moments de franche comédie et une certaine dramaturgie purement whonesque.


NOTE : 9/10


La bande-annonce du prochain épisode :


02/05/2010

(UK) Doctor Who, series 5, episode 5 : Flesh and Stone (2)

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Cette deuxième partie du double épisode nous confrontant de nouveau aux Weeping Angels aura finalement pris un tournant beaucoup plus mythologique qu'attendu, réunissant cette intrigue au grand fil rouge de la saison qui est désormais posé explicitement au grand jour. Assez dense, plongeant le téléspectateur dans les paradoxes des courbes temporelles qui se croisent et se re-écrivent, ce double épisode aura constitué tout autant une grande aventure, cocktail détonant d'action et de frisson, assaisoné d'une pointe d'humour, qu'une étape décisive dans l'installation de la mythologie de la saison.

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En guise d'entré en matière, le Docteur propose une superbe petite astuce très Whonesque afin de se sortir d'une situation bien difficile, en s'amusant avec les lois de la gravité. Non dépourvue d'originalité et de cette petite touche de folie indispensable à tout twist de la série, c'est une résolution expéditive, mais adéquate, dans la tradition de Doctor Who, qui permet de clôre le cliffhanger et d'enchaîner sans temps mort sur la suite des aventures. Depuis le début de l'année, les médias britanniques ont souvent évoqué les coupes budgétaires imposées par la BBC ; on pouvait se demander ce que cela donnerait pour la nouvelle saison de Doctor Who. Sur un plan visuel, il faut constater, devant un tel épisode, que l'on ne ressent aucun changement notable dans le cadre proposé pour cette aventure. Le décor et les effets spéciaux ne sont pas ostentatoires, mais ils ne dépareillent pas et sont à la hauteur.

Réussir à réintégrer le vaisseau n'était, pour le Docteur et ses compagnons, qu'un moyen de retarder l'inévitable assaut des Anges. Si ces derniers vont se retrouver plus en retrait au fil que cet épisode progresse, laissant place à un autre mystère, plus grand et plus important encore, Steven Moffat va cependant réussir à exploiter ce potentiel de frayeur inhérent à ces créatures, incontournable et nécessaire pour des téléspectateurs qui n'ont jamais pleinement dépassé le traumatisme engendré par Blink.

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La tension va ainsi aller crescendo dans le premier tiers de l'épisode, au cours duquel la course-poursuite avec les Anges se transforme en un bref huis-clos qui les conduit finalement dans une improbable forêt à bord du vaisseau. C'est d'ailleurs très intéressant de voir l'utilisation habile qui est faite du changement d'environnement. Si le fait d'être cerné, à bord du vaisseau, avait un caractère particulièrement oppressant, huis-clos un peu étouffant, la fuite dans les bois offre un changement de perspective et ouvre de nouvelles possibilités pour jouer avec les peurs du téléspectateur. A nouveau, c'est Amy qui va nous faire partager ses frayeurs. Il était déjà établi que le fait qu'elle ait regardé un Ange droit dans les yeux allait avoir des conséquences importantes. Un peu de la même façon qu'avec la reproduction par l'enregistrement vidéo, un Ange se développe dans son esprit. On a ici une déclinaison intéressante de l'aspect mystique attaché à ces créatures : l'Ange a en quelque sorte capturé son âme, et son corps par la même occasion.

Amy va assurément nous offrir les scènes les plus inquiétantes de l'épisode : cette traversée de la forêt, portée par un petit thème musical sobre comme il faut, les yeux fermés, avec une faille spatio-temporelle qui grignote la réalité et des Anges tout autour d'elle, restera dans les mémoires. Plus que les jeux de lumières auxquels l'épisode s'était essayé plus tôt pour illustrer l'assaut des Weeping Angels, c'est cette marche qui va occasionner les moments les plus glaçants de l'épisode. Il faut à ce titre saluer l'imagination des scénaristes, car le cadre y joue pour beaucoup : cette ambiance particulière, entourée d'arbres, on pourrait une nouvelle fois l'associer aux images d'Epinal renvoyées par les passages les plus sombres des contes de fées de notre enfance. C'est la forêt inhospitalière où le héros s'égare et fait des rencontres inquiétantes. La traverser les yeux fermés est une action chargée d'une symbolique particulière. Et au cours de ces scènes, il faut saluer la prestation de Karen Gillan. Elle correspond parfaitement à ce qu'on attend d'elle : fraîche, apeurée, authentique.

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Cependant, l'enjeu réel de l'épisode se déplace progressivement. Si l'intrigue des Weeping Angels s'étire en longueur jusqu'aux deux tiers de l'épisode, prenant le temps d'exploiter les thématiques angoissantes qui s'y rattachent, elle n'est plus l'enjeu central, laissant place, de façon assez inattendue, au fil rouge de la saison. Ce dernier s'installe ainsi sur le devant de la scène : les craquelures dans l'univers et les failles spatio-temporelles qui s'ouvrent ne sont plus cantonnées à un clin d'oeil de fin d'épisode. Doctor Who ne nous avait pas habitué à un développement aussi conséquent, de ce qui devrait occuper l'arc du season finale, aussi tôt dans une saison. Jusqu'à présent les petits indices peu subtiles, disséminés au gré des aventures, s'inscrivaient dans une certaine tradition d'introduction de fil rouge ; avec Flesh and Stone, Steven Moffat passe résolument à la vitesse supérieure... pour mieux perturber le téléspectateur en suscitant surtout de nouvelles questions, sans apporter de réelles réponses.

Cependant, la gestion de ce mystère, dont le danger est toujours plus grandissant et devient concret, se révèle assez prenante, même si certaines évidences mettent un peu de temps à être énoncées à voix haute. L'importance d'Amy, figure centrale sans que l'on en comprenne les raisons, s'impose rapidement. Il faudra quand même au Docteur tout l'épisode pour reconnaître la place spéciale de la jeune femme, au coeur du processus en marche. Le schéma ainsi choisi n'est pas sans rappeler celui de la saison 4, avec une Donna, assistante destinée à avoir un rôle déterminant dans l'Apocalypse de fin de saison à éviter. Encore une fois, ce n'est pas le hasard qui a placé Amy sur la route du Docteur. Leur rencontre, comme le fait qu'elle soit devenue son assistante, ne sont pas des coïncidences. Le sort d'Amy reste encore inconnu. Mais j'apprécie le fait que tout soit relié à des destinées plus larges qui dépassent la simple vie quotidienne de nos héros. Cela confère un sens supplémentaire à la présence d'Amy aux côtés du Docteur, qui jète une lumière nouvelle sur l'ensemble.

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Flesh and Stone est donc un épisode fondamental, mythologiquement parlant, mais qui pose surtout les bases d'une storyline/fil rouge d'une complexité presque déstabilisante. Je ne suis d'ailleurs pas certaine d'avoir pleinement compris toutes les implications de ce qui est en train de se produire, même si on devrait avoir de nouvelles précisions dans le futur. En résumé, c'est le temps, la réalité qui s'effondre, et avec cela, les évènements se re-écrivent, l'Histoire change... au fil de ces craquelures. Les êtres qui disparaissent dans ces failles voient leur vie effacée comme s'ils n'avaient jamais existé. Seules des personnes déjà arrachées à leur ligne de temps, des voyageurs temporels, ne sont pas affectés par ce phénomène auquel il est assez glaçant d'assister.

Tout se met en place pour l'explosion finale. Le moment clé est d'aileurs déjà fixé : le 26 juin 2010. Il s'avère que le Docteur aura entraîné Amy loin de son époque, la veille de ce jour qui apparaît comme une date fatidique pour l'Univers tout entier. C'est en effet le 25 juin au soir qu'il est revenu et a emmené Amy dans ses aventures, l'éloignant de la ligne temporelle qu'elle aurait dû suivre. Le 26 juin 2010, c'est le jour où est aussi prévu son mariage. La prise de conscience du Docteur, à la fin de l'épisode, sur l'importance d'Amy et sur cette date, était attendue du téléspectateur ; reste désormais à comprendre ce qui relie la jeune femme à tous ces évènements. Accessoirement, le 26 juin 2010 est également la date de diffusion du season finale de cette saison 5. Le fil rouge de la saison est désormais clairement tracé.

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Signe de sa richesse, Flesh and Stone ne se contente pas de soigner la mythologie apocalyptique en prévision de la fin de saison. Il est nécessaire de parler du personnage de River Song. Après avoir été particulièrement mis en avant au cours de la première partie, elle se retrouve plutôt en retrait dans ce second épisode, comme pour équilibrer l'impact de son personnage avec la présence d'Amy. Moins déterminante dans la résolution de la problématique des Anges, la jeune femme se voit surtout attribuer la fonction de distiller une pointe de mystère supplémentaire, à un épisode qui n'en manque déjà pas. Les craquelures temporelles achèvent d'embrouiller un téléspectateur déjà un peu égaré au milieu de tous ces paradoxes et qui en est bientôt réduit à dresser des schémas sur un brouillon, à côté de sa télévision, pour s'y retrouver dans ces différentes lignes temporelles et ces relations qui se construisent à l'envers.

Reste que River délivre un "au revoir" qui appelle des retrouvailles prochaines. Outre cette mention récurrente à Pandorica, elle révèle également un autre secret, ambivalent dans son contenu, mais assorti d'une étrange sérénité dans la tonalité avec laquelle il est présenté. Si River était en prison, c'est parce qu'elle a tué un homme. Qui ? "The best man I've ever known", répond-elle sans donner son identité. Je suppose que chaque téléspectateur peut comprendre cette phrase comme il le souhaite. Mon premier réflexe a été de me dire qu'il s'agissait tout simplement du Docteur lui-même. Même si les ecclésiastiques ne semblaient pas le connaître, le ton et le regard de River m'amènent instinctivement à cette première interprétation. Ce qui n'empêchera de toute façon pas d'autres aventures d'avoir lieu. Faut-il s'attendre à des retours récurrents de River à travers les prochaines saisons ? Le prochain rendez-vous est en tout cas pris, "when Pandorica opens" (un élément du futur du Docteur et de la saison ; mais du passé de River, donc).

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Achevant (déjà) le cinquième épisode la saison, le téléspectateur dispose désormais d'un peu plus de recul pour apprécier ces nouveaux héros quotidiens qu'il suit chaque samedi soir. Sur le plan de la caractérisation des personnages, je dois dire que je suis très satisfaite de la performance de Matt Smith, ainsi que de la façon dont Eleven voit sa personnalité s'affirmer peu à peu. Flesh and Stone s'avère être, une fois encore, un épisode où la versatilité du Docteur est mise en exergue et pleinement exploitée. Tour à tour conciliant, compréhensif, arrogant, particulièrement direct, ou même vraiment en colère, il y a quelque chose de particulièrement intense, mais aussi de très ambivalent chez Eleven, un investissement qui se mêle d'une certaine prise de distance avec les évènements  qui l'entourent : il est assez difficile de le traduire en mots, mais cela engendre un ressenti très intéressant à l'écran.

Je suis en revanche un peu plus mitigée en ce qui concerne Amy Pond. Il y a des moments où je la trouve juste parfaite, pleinement épanouie dans un rôle de Wendy sur les traces de Peter Pan qui lui sied à merveille. Ainsi, dans cet épisode, durant la traversée de la forêt, Karen Gillan était excellente. Elle ramène à la vie, de façon très naturelle, nos peurs enfantines les plus enfouies, le tout mise en scène avec une fraîcheur étonnante. Cependant, comment interpréter cette scène finale, où accompagnant une chute brutale d'adrénaline, toute la tension et la peur se relâchent pour se transformer en une "explosion hormonale" (le qualificatif restant encore à arrêter), au cours de laquelle elle poursuit sa fuite en avant par rapport à son mariage, en jetant son dévolu sur le Docteur. Il y a une part en moi qui rejète en bloc toute idéee d'intimité entre nos deux héros. Amy n'a certes pas l'infatuation pesante que pouvait manifester Martha. C'est aussi rassurant de voir que le Docteur la repousse sans y réfléchir à deux fois, tandis qu'il commence à mettre en ordre les pièces du puzzle qui prend place sous ses yeux depuis le départ et à comprendre l'importance d'Amy Pond. Mais cette scène m'a paru assez artificielle, comme si les scénaristes avaient maladroitement jouer sur un degré de comédie, sans que la tonalité prenne vraiment. Ca reste anecdotique pour le moment, mais ce sont des sujets sensibles sur lesquels Steven Moffat doit être prudent.

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Bilan : Flesh and Stone est un épisode particulièrement dense qui clôture une aventure, tout en posant des bases mythologiques déterminantes pour le reste de la saison. On y retrouve beaucoup d'ingrédients très différents, de l'exploitation de l'angoisse liée aux Anges jusqu'aux paradoxes temporels dans lesquels la série plonge sans retenue, et avec un plaisir évident, le téléspectateur. Mené à un rythme prenant, l'épisode est vraiment plaisant à suivre grâce à cette diversité et à cette richesse. Il n'évite cependant pas quelques maladresses dans la gestion de certains aspects des fils rouges qu'il pose. Mais dans l'ensemble, même s'il part dans des directions un peu inattendues après la tonalité de la première partie, il est à la hauteur des attentes des téléspectateurs.


NOTE : 8,5/10


A noter la très belle réalisation de l'épisode qui nous aura proposé une certain nombre de plans vraiment superbes, tel celui-ci :

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La bande-annonce du prochain épisode (Direction Venise... et l'exploration d'un mythe très terrien : les vampires) :